Repères, rituels et notion de temps en crèche
Le temps, notion abstraite pour les enfants et bien complexe à intégrer peut les mettre en difficulté à certains moments. Afin de pallier les micro-séparations et aux éventuelles angoisses, nous allons étayer les notions de repères et de rituels pour accompagner au mieux les enfants.
Des repères et des rituels pour bien grandir
Lorsqu’à peine âgé de quelques semaines l’enfant quitte le cocon familial pour aller à la crèche, c’est un pas de géant vers l’inconnu. Cet inconnu qui va faire partie de son quotidien futur. Pour mener à bien cette étape, l’enfant va avoir besoin de repères : de personnes avec lesquelles il va nouer une relation privilégiée et sécurisante, un lieu qu’il va pouvoir identifier avec des espaces repères à l’intérieur, des rituels qui vont l’aider à s’ancrer dans le temps et des règles de vie en communauté.
Le premier repère
Le premier repère pour l’enfant, ce sont ses parents, c’est eux qui l’aident à se sécuriser dès les prémices de sa vie. La manière dont ils vont lui parler, même pendant la grossesse, chanter, le toucher, le regarder…. Tout cela va s’inscrire dans son être, psychiquement et physiquement.
Comme le dit Winnicott : « La capacité de l’individu à être seul, constitue l’un des signes les plus importants de la maturité ». Cette première relation est donc loin d’être anodine ; en effet, son corps tout entier va intégrer la façon dont ses parents vont s’occuper de lui, l’amour, la tendresse, le réconfort et la bienveillance. Les autres repères viendront se greffer autour de cette première relation affective. Il est de ce fait indispensable de la part des professionnelles, d’avoir une attitude bienveillante et soutenante envers les parents pour accompagner l’enfant.
Phase de découverte
La période dite d’adaptation ou d’acclimatation va être le premier espace-temps où l’enfant va intégrer de nouveaux repères. Cette période, prévue généralement sur une à deux semaines, va amener l’enfant et ses parents à prendre de nouveaux repères avec une professionnelle. C’est donc en présence d’une ou des personnes ayant établi la relation stable avec l’enfant que celui-ci va trouver les ressources en lui pour avancer.
Les repères
Le repère désigne un objet, un endroit ou une personne qui va permettre de s’orienter, se retrouver. Le repère permet de revenir constamment à quelque chose de stable et fiable. Ce besoin de continuité dans les repères va perdurer tout au long de la vie. Cependant, ces derniers se trouveront bouleversés par des étapes maturatives qui mettront à mal les repères de l’enfant, et le pousseront à en ré inventer de nouveaux.
L’enfant va traverser quatre grandes étapes maturatives dans son développement : la naissance, l’angoisse du 8e mois, la phase d’opposition entre 18 mois et 3 ans environ et l’adolescence. À chaque étape de son développement, va s’opérer chez l’enfant un profond remaniement intérieur. À la naissance, il perd les repères sensoriels acquis dans le ventre de sa mère et va devoir s’adapter à un nouveau monde ; vers 8 mois, il prend conscience qu’il est un être distinct de sa mère et qu’il peut, par conséquent là perdre ; entre 18 mois et 3 ans, il a besoin de s’affirmer en tant qu’individu à part entière et dire « non » à ses parents, c’est ce processus qu’il va le rendre plus autonome.
En pratique
Les repères vont aider l’enfant à se situer par rapport aux autres personnes, mais aussi à l’espace et au temps. Ce sont des points d’appui nécessaires pour lui permettre de grandir en sécurité.
L’enfant a besoin d’apprendre à se situer dans l’espace pour maîtriser son environnement. Que ce soit à la maison ou à la crèche, il va peu à peu identifier les espaces dans lesquels il va pouvoir jouer, dormir, manger, être changé… Il est important de mettre en place autour de l’enfant un milieu apte à assurer sa sécurité et son développement. C’est pourquoi les différents espaces doivent être pensés en amont et ne pas bouger trop fréquemment. Ainsi, l’enfant pourra se situer dans le monde qui l’entoure. L’espace doit être pensé et identifié afin qu’il se repère et les jeux doivent être rangés au même endroit pour faire perdurer ce sentiment de sécurité (Ex : photo de jeux sur les étagères). Quand vous souhaitez réaménager l’espace, faites-le de préférence en présence des enfants, cela sera moins perturbant pour eux ou à minima prévenez les et accompagnez les dans la découverte des lieux. N’hésitez pas à laisser à disposition des bébés un petit panier de jeux toujours identiques pour favoriser leurs repères.
Lors des temps de sommeil, le lit doit être toujours le même et placé toujours au même endroit. Cela va constituer un espace propre à l’enfant qu’il va reconnaître comme étant le sien. Les repères au moment du sommeil sont d’autant plus importants qu’ils vont en partie palier à cette micro-séparation qu’est la sieste.
En tant que professionnelle, vous êtes un repère pour les enfants que vous accueillez. Positionnez vous au sol autant que possible afin de montrer votre disponibilité et assurez-vous d’être visible d’un maximum d’enfants. La position d’adulte phare, c’est-à-dire positionné au milieu de la pièce est intéressante, car elle vous permet de voir et d’être visible de tous. L’enfant pourra alors jouer et créer des interactions avec les autres enfants sous votre regard bienveillant et rassurant. De ce fait, ne négligez pas vos différentes sorties de leurs champs de vision. Ces micro-séparations peuvent être source d’angoisse pour les enfants, autant que possible verbaliser ce que vous faites. La continuité de soins va vous permettre de palier à tout cela afin d’offrir aux enfants une stabilité dans leur journée. Pour ce faire, accompagnez les mêmes enfants tout au long de la journée que ce soit pour les changes, pour les coucher, les lever et les repas autant que possible.
Aussi, n’oubliez pas que lorsque vous quittez votre travail, vous créer une séparation avec les enfants. Pensez à nommer le fait que vous partez et à leur dire au revoir.
Lire aussi : Intégrer un nouveau poste en crèche
Rythmer la journée
Tout au long de la journée, vont se succéder différents rituels qui vont donner la possibilité aux enfants de se repérer. Se succèdent les temps d’accueils, le temps chanson, les temps de jeux, le temps histoire, les activités, le repas, les changes, les goûters, les départs…. Ce cercle de rituel qui englobe la journée de l’enfant va le stabiliser et le rassurer. La répétition de ces différents temps va aider l’enfant à intégrer sa journée. Il va de ce fait, pouvoir anticiper une partie des temps de sa journée pour ne pas les subir. (Ex : frise du temps style Montessori version light).
Les rituels sont donc une façon d’organiser la journée avec des habitudes de vie répétées. La première mission du rituel est de sécuriser l’enfant, de le rassurer d’un point de vue émotionnel. Son autre fonction, est de lui donner des points d’ancrage solide et fiable. Les rituels, de manière générale, structurent la journée. Ils vont l’organiser en une succession d’événements connus, stable, fiable et récurrents. Ils vont contribuer à la construction des représentations temporelles puisque le jeune enfant n’a pas encore la notion de temps, celle-ci étant trop abstraite. Ces rituels ne doivent pas être négligés étant donné qu’ils annoncent les différentes activités qui vont être effectuées tout au long de la journée en permettant ainsi au jeune enfant de se situer dans le temps. Plus son quotidien sera prévisible, plus l’enfant se sentira en sécurité.
Le psychanalyste Boris Cyrulnik confirme cela en écrivant : « Le rituel aide à la construction de l’identité ». Les rituels doivent être des moments répétitifs se déroulant tous les jours, voire plusieurs fois par jour et toujours de la même manière. La répétition amènera un savoir et un savoir-faire qui favorisera son autonomie petit à petit.
Avoir des repères sûrs par la répétition des gestes, de paroles, se sentir en sécurité sont les fonctions du rituel. Le fait qu’il soit réalisé par un adulte connu va permettre à l’enfant de s’appuyer sur la relation et pas uniquement sur le rituel. Les rituels vont rassurer l’enfant et limiter les situations anxiogènes pour favoriser la vie de groupe. Ils sont d’une importance capitale pour son bien-être.
Le temps
Chez le bébé, le rythme des tétées est la première inscription dans le temps. Le corps lui, est rythmé par des cycles que l’on nomme circadiens, c’est-à-dire qu’ils règlent l’alternance jour/nuit ou veille/sommeil. Le cerveau totalement immature du nouveau-né ne lui permet pas d’avoir la moindre notion du temps. Quand un bébé pleure et qu’il a besoin de nous, une seconde est une éternité !
La ligne du temps permet de constituer les moments clés d’une journée et de visualiser leur succession. Pour favoriser la prise de conscience du déroulement des moments de la journée, il semble utile d’établir « l’emploi du temps » quotidien. Pour cela, on peut tenter d’ordonner, avec les enfants, des images, dessins ou des photographies prises à différents moments de la journée pour leur montrer où nous en sommes dans la journée.
Il ne s’agit pas essentiellement d’y mettre des choses ludiques, mais aussi vos rituels de travail sur lesquels les enfants peuvent vous aider (en toute sécurité) : débarrasser la table, amener les doudous pour la sieste, les chaussures pour aller dans le jardin, plier le linge. Ces temps sont aussi des repères pour eux, ne les négligez pas. Grâce à cette ligne du temps, l’enfant pourra commencer à anticiper certaines choses comme l’arrivée de papa ou maman par exemple.
Ainsi dans un premier temps, et ce, jusqu’à 2 ans, pour l’enfant, le temps est vécu dans l’immédiateté. De 2 à 6 ans, l’enfant accède à la représentation mentale, l’enfant découvre et organise alors de nombreux repères. Il acquiert entre 0 et 6 ans, 3 sous-notions nécessaires à la construction du concept-temps : la succession, la simultanéité et la durée. C’est seulement après 6 ans que l’enfant accède à la notion du ‘’temps mesurable’’.
Il est de fait important de se laisser porter par le rythme des enfants afin de les accompagner au mieux et de laisser « le temps au temps des enfants ». À vous professionnelle de faire appel à votre capacité d’adaptation et d’empathie pour laisser de côté vos codes temporels d’adultes.
« L’enfant ne prévoit pas l’avenir, le présent seul l’intéresse. »
Mademoiselle de Sommery
Découvrir de nouveaux domaines, approfondir vos connaissances, monter en compétences.
DécouvrirLes autrices sont Éducatrices de Jeunes Enfants.
Kathleen Fauret est référente pédagogique. Audrey Bouté est coordinatrice pédagogique.
Cet article est un travail à quatre mains, rédaction par Kathleen, relecture et nouveaux apports d‘Audrey
Les autres articles de Kathleen et Audrey sur le blog :
- Comprendre, gérer et réduire les comportements dits « agressifs » en crèche
- Apprentissage de la marche, comment accompagner les premiers pas de bébé ?
- 3 conseils pour gérer les accueils d’urgence en crèche
- Comprendre et gérer les cris de bébé en crèche
- Accueil du soir, les temps de transmission en crèche
Que pensez-vous de cet article ?
Laissez nous votre avis !