L’acquisition de la continence active
Voici la belle saison printanière qui amène les parents à se projeter rapidement vers cette grande étape qu’est « la rentrée à l’école ». En professionnels patients et à l’écoute des enfants que nous sommes, nous savons que cette étape est encore très lointaine. Mais les parents commencent à aborder un nouveau petit sujet sur le tapis : l’acquisition de la continence active. Alors, comment accompagner la volonté des parents et le temps des enfants ?
De l’incontinence à la continence active
Ma couche et moi
À peine sorti du cocon qu’était le ventre de sa maman, le nourrisson se voit « affublé » d’une couche bien scratchée autour de son bassin. Il va devoir s’habituer à cette couche qu’il va lui-même souiller sans rien n’y pouvoir ; s’habituer aussi aux changements de couches pour en remettre une propre, s’habituer à la chaleur que va lui procurer l’urine dans sa couche et apprendre à se mouvoir avec cet élément plus ou moins remplie entre les jambes.
La connaissance du développement du jeune enfant, nous démontre que ce dernier n’a conscience de lui-même qu’aux environs de deux ans grâce aux différentes expériences perceptives qu’il va effectuer. La couche étant présente sur son corps dès la naissance, l’enfant peut penser qu’elle fait partie intégrante de celui-ci. Nous pouvons constater que certains enfants ont quelques difficultés à bien vouloir que leur couche soit changée, même lorsqu’elle est souillée.
Un long chemin de respect
Cette couche si pratique qui orne les fesses du jeune enfant, va demander de la part des professionnels une surveillance constante. Elle doit être changée régulièrement afin de ne pas laisser l’enfant dans une situation inconfortable, mais aussi dans le but d’éviter les éventuels érythèmes fessiers.
De fait, cet objet va être souvent manipulé par les adultes dans le but de mettre l’enfant plus à l’aise. Pour ce faire, une pratique bienveillante est indispensable. Ce moment de soin, amène l’enfant à être dans une position de vulnérabilité extrême : moitié nu aux mains d’un adulte.
Pour que ce moment soit agréable et respectueux, verbalisez tous les actes que vous effectuez auprès de l’enfant. Ex : « Je t’allonge sur le matelas à langer », « Je vais enlever ton pantalon, tu m’aides ? », « Je prends un coton pour t’essuyer, il risque d’être un peu froid ». Les mots que vous poserez pendant le change et la douceur de vos gestes, créeront des souvenirs sécures et bienveillant dans le cerveau du tout petit.
Les souvenirs que vous allez laisser à l’enfant peuvent être à connotation négative, si vous dites : « Viens, on va changer ta couche ça pue », «Il a déjà fait caca trois fois aujourd’hui, lui » ou si vous tirez légèrement sur la couche d’un enfant pour voir s’il a fait caca, ou encore si vous discutez avec votre collègue pendant un change. Alors on fait attention à ce qu’on dit. Le mieux est de partir seul avec un enfant dans la salle de bain.
Pour accompagner ce moment si particulier pour lui, même s’il est récurrent, on lui parle, et on fait preuve de bienveillance et de douceur. C’est à vous en tant qu’adulte de montrer du respect pour le corps de l’enfant dans le but qu’il le respect lui-même plus tard.
Les étapes maturatives vers la continence active
La continence active est assurée par la contraction volontaire des sphincters. Cette maîtrise est la résultante d’un long processus de maturation physiologique et psychologique. En effet, lors de ces trois premières années de vie, le jeune enfant va vivre des bouleversements physiques et psychologiques très intenses qui vont structurer les bases de son développement. Aucune autre période de sa vie ne sera autant chargée en remaniements internes ! Mais ces changements sont essentiels puisqu’ils amèneront l’enfant, entre autres choses, à être prêt pour la continence active.
La maturation physique
Les sphincters à l’œuvre dans le contrôle de l’évacuation des urines et des selles, sont des muscles qui fonctionnent par réflexe au début de la vie. L’enfant va progressivement prendre conscience qu’il peut avoir le contrôle sur l’évacuation de ses excréments. Il va alors essayer de les maîtriser.
Cependant, cette étape peut être joyeuse, car elle peut procurer de la toute-puissance à l’enfant ; ou à l’inverse stressante car méconnue et déstabilisante. L’enfant joyeux de cette découverte pourra s’en servir comme un moyen de « pression » sur ses parents si les attentes de ces derniers sont trop fortes. À l’inverse, l’enfant stressé, pourra montrer des signes physiques de gênes, ne plus bouger au moment d’aller à la selle, pleurer sans raison apparente, et même aller jusqu’à la constipation.
Ce travail de coordination complexe peut amener les enfants à faire dans leurs couches juste après qu’on lui ait proposé le pot, ce qui peut agacer un peu l’adulte. Ce phénomène est une mise en route du fonctionnement du contrôle des sphincters donc pas de tracas à avoir.
En tant que professionnels, votre accompagnement par la verbalisation lors de ces étapes est indispensable. Plus vous saurez expliquer à l’enfant ce qu’il se passe dans son corps et la normalité de la chose, plus vous l’aiderez à dédramatiser cette étape.
Cette capacité de maîtrise des sphincters s’acquiert aux alentours de 18 mois. Le repère moteur simple pour aiguiller les parents est celui de l’étape de l’escalier. Lorsqu’un enfant est en capacité de monter et de descendre seul les escaliers, pieds déliés, il est prêt d’un point de vue moteur. En outre, cela ne veut pas dire qu’il soit prêt sur tous les plans.
La maturation psychique
La maîtrise des sphincters va arriver en même temps que la période d’affirmation de soi, la fameuse période dite « d’opposition ». Le « non » fait alors parti du quotidien et devient son moyen d’exister et de contrôler ce qu’il se passe pour lui. L’enjeu lié à la continence active peut amener l’enfant à exercer un moyen de pression sur ses parents en décidant ou non de répondre à leurs exigences, de faire ou pas sur le pot.
Votre rôle de professionnels est important afin d’accompagner les parents dans cette période pleine de changement. En nommant la normalité du comportement de l’enfant, vous atténuerez les éventuelles angoisses parentales.
Vers 2 ans et demi, l’enfant va être en capacité de se nommer à la première personne en utilisant le « je ». Cette étape accompagne celle de l’intégration du schéma corporel global (mains, pieds, jambes, dos, ventre…). Son développement cérébral lui a permis durant les deux-trois premières années de conscientiser son corps. Dans le même temps, il doit apprendre à se séparer de quelque chose qu’il peut prendre comme « une partie de son corps » : les selles et les urines.
C’est une étape non négligeable que d’accepter de laisser partir « une partie de soi-même », si petite et odorante soit-elle. L’enfant va devoir accepter progressivement de se séparer de cette partie tout en gardant le contrôle sur le reste. Ce processus demande un travail important de coordination intellectuelle pour identifier ses besoins corporels, les nommer ou les montrer, puis contrôler ses sphincters pour aller jusqu’au lieu dédié à cet effet. Cette étape de coordination est clairement visible lorsqu’un enfant part vers les sanitaires avec son pantalon déjà baissé.
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La découverte du pot
Ce petit objet, relativement inconnu auparavant, va devenir un compagnon de route presque indispensable. Celui-ci, trônant dans la salle de bain de la crèche, n’est pas totalement méconnu du jeune enfant, c’est un objet qu’il a pu voir, dont il a pu entendre parler de la part des adultes. Ce petit pot va susciter un intérêt certain chez le jeune enfant, mais pas forcément de façon positive.
Le jeune enfant doit être prêt, comme nous l’avons énoncé plus haut, à contrôler ses sphincters, à lâcher la couche pour envisager de faire sur le pot.
Découvrir le pot doit être une étape accompagnée par la parole, expliquer à quoi il sert, dédramatiser en indiquant que tout le monde s’en sert, que les adultes aussi vont sur les toilettes. Afin que l’enfant identifie clairement un repère spatial, il est important que le pot soit toujours au même endroit. Les selles peuvent être un bien précieux pour l’enfant, c’est quelque chose qui vient de lui, il peut donc avoir envie de jouer avec ou de les garder. N’hésitez pas à nommer ce que l’enfant voit et perçoit afin de lui expliquer qu’il n’a pas besoin de garder cela dans son corps. Lui proposer lui-même de vider son pot dans les toilettes peut être une solution intéressante pour l’accompagner.
On accompagne
Les prémices de la continence active peuvent se dérouler à la maison ou à la crèche, l’important, c’est la cohérence éducative qui va en découler. Si cette étape a débuté à un endroit, elle sera poursuivie ailleurs. Cela ne veut pas dire immédiatement, il est important de nuancer. Le lien entre la crèche et la maison est précieux, mais cela ne veut pas dire qu’on fait exactement pareil à la crèche et à la maison. Un enfant qui débute l’acquisition de la continence active à la maison avec ses parents ne sera pas forcément prêt à le faire à la crèche. Prenez le temps, observer l’enfant, offrez-lui verbalement la possibilité de le faire si vous pensez qu’il est prêt. Il faut que l’enfant identifie qu’il a les mêmes possibilités d’action à la crèche qu’à la maison.
L’accompagnement vers le pot doit toujours se faire sous forme de proposition afin de ne pas bloquer l’acquisition de la continence active. Être à l’écoute de l’enfant afin de reconnaître ses progrès est un enjeu essentiel, ce sera un précieux soutien du quotidien.
L’enfant va commencer par se rendre compte qu’il se passe quelque chose en lui, c’est la première étape, vous pouvez alors nommer cela quand vous l’observez « Tu fais pipi ou caca dans ta couche, c’est normal ». Vous allez alors aider l’enfant à identifier ce qu’il se passe dans son corps. Cette verbalisation lui permettra ensuite de vous dire ce qu’il est en train de faire ou ce qu’il a fait. Quand l’enfant est prêt à aller sur le pot, et y fait pipi ou caca, l’accompagnement verbal s’établit en nommant l’action effectuée par l’enfant. Les félicitations excessives ne sont pas de rigueur, aller sur le pot doit être amené comme quelque chose de normal.
Les enfants étant de fins observateurs, ils seront tentés de faire les mêmes choses que les autres. Il en va de même pour ce processus : si un enfant de la crèche commence à aller sur le pot, d’autres enfants pourront avoir envie d’y aller aussi. Ils pourraient être intrigués également par ces nouveaux mots qui arrivent dans la bouche des adultes : pots, toilettes. L’effet de groupe peut être moteur et amener un élan positif à cette acquisition.
Afin d’étayer votre pratique professionnelle au quotidien, n’hésitez pas à vous appuyer sur les livres. Voici quelques titres intéressants sur le sujet :
- Qui y’a-t-il dans ta couche, de Guido Van Genechten
- Je ne veux pas faire caca dans le pot ! de Frédéric Kessler
- On fait tous caca de Taro Gomi
- Ma p’tite couche d’Armelle Modéré
- Moi je vais sur le pot de Jeanne Ashbé
Pour accepter et intégrer un processus si fort de changement, il faut avoir confiance en l’autre. Soyez convaincus que ce n’est pas uniquement ce que vous donnez dans la relation à l’instant T qui est important, mais bel et bien votre accompagnement quotidien, bienveillant et sans faille.
« La maîtrise de son propre corps ne peut être acquise qu’à condition que celui-ci ait été respecté dans son rythme et dans son intégrité dans la tendre enfance. » Kathleen Fauret rédactrice de l’article. 😊 😉
Et si vous nous envoyiez votre référence de livre préféré sur le sujet ? 😉
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DécouvrirLes autrices sont Éducatrices de Jeunes Enfants.
Kathleen Fauret est référente pédagogique. Audrey Bouté est coordinatrice pédagogique.
Cet article est un travail à quatre mains, rédaction par Kathleen, relecture et nouveaux apports d‘Audrey
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